Entretien avec Hervé Struck

Hervé Struck a exposé au Labo dans le cadre du Festival Nicéphore + en 2018. Attaché à traiter de l’impact de l’homme sur l’environnement, il nous parle de ce que lui ont inspiré la pandémie et le confinement.

Propos recueillis par Mariette Barrier le 05 juin 2020.

Temps de lecture : 6 min.

Peux-tu présenter ton travail ?

Je fais notamment de la photographie documentaire, j’aime explorer ce qui est lié à l’impact des hommes sur leur environnement. Le travail que j’ai présenté au Labo 1880 pour Nicéphore, Résidents du tiers espace, abordait les conséquences de la périurbanisation telles que la transformation des paysages naturels et agricoles, les conséquences sur les modes de vie, etc. J’aime travailler sur des sujets en lien avec la dégradation de la nature par l’homme et l’impact que ces transformations peuvent avoir sur le développement des territoires.

Pendant le confinement, est-ce que tu as pu continuer à faire de la photo, est-ce que ça a été une période propice pour créer ?

Pas du tout. Je n’ai rien fait. Je n’ai même pas touché l’appareil. J’aurais pu traiter immédiatement un sujet en lien avec cette période particulière, mais j’ai tendance à travailler sur le temps long, je ne sais pas aborder l’actualité comme le ferait un reporter. En principe, j’ai des longs moments de réflexion et ensuite je me lance dans un projet bien réfléchi. En revanche, cette période m’aidera à développer une réflexion pour un travail futur qui traitera, peut-être, des conséquences du confinement sur les modes de vie. Alors, je ne sais pas quand, mais à un moment ou à un autre ça aura une influence, c’est certain. Je ne sais pas travailler en me disant « c’est le confinement, je vais faire un truc, j’ai une idée », non, ça ne vient pas comme ça. Pour exemple, le documentaire Résidents du tiers espace est sorti après une réflexion de plusieurs années. Mon dernier travail sur l’élargissement de l’autoroute A75, sur la dégradation qu’il entraîne sur l’environnement qui l’entoure (Des aires de changement), est le fruit de plusieurs mois de réflexion. Donc, concernant la période de confinement, je pense que ça va être un peu pareil. Il y a une réflexion latente qui doit se faire, elle sera de plusieurs mois et à un moment ou à un autre ça va aboutir à quelque chose.

Tu n’as donc pas fait de photos mais as-tu replongé dans tes archives, tes négatifs, entamé une réflexion sur un projet ?

Non. En fait, je pense avoir besoin de « humer » la période, de la ressentir pour pouvoir ensuite faire un travail. Donc je pose l’appareil photo, je reçois ce moment, je l’accueille… C’est difficilement définissable.

H. Struck, 26m², 2014

Néanmoins, si je devais choisir l’une de mes photographies pour illustrer cette période, ce serait celle-ci, prise en 2014. Je pense qu’elle s’associe bien avec l’idée que l’on peut se faire du confinement. Le rapport à la solitude, à l’introspection, à la réflexion.

En dehors de la photographie, t’es-tu plongé dans d’autres activités de nature artistique ?

Oui, j’écoute beaucoup de musique, mais ça depuis longtemps. C’est une passion. Pendant cette période je me suis beaucoup concentré là-dessus. Autant la photo, pour moi, c’est un moyen d’expression, autant la musique c’est une passion. C’est assez différent. Pendant le confinement, j’ai porté plus d’intérêt à mes passions qu’à mon mode d’expression favoris qu’est la photographie.

Est-ce que tu as suivi ce que d’autres photographes ont pu produire pendant cette période ? Est-ce que tu as vu des choses intéressantes émerger ?

J’ai eu la chance que la série Résidents du tiers espace soit exposée numériquement sur le site des éditions Corridor Eléphant. Ils font des expositions mensuelles de plusieurs photographes, en suivant un peu tout ça, j’ai vu des jeunes photographes qui faisaient du travail intéressant. Donc, il n’y a pas rien eu pour moi, il y a eu quand même cette exposition numérique pendant tout le mois de mai, elle se termine aujourd’hui (ndlr : le 05 juin, date de la présente interview).

Avais-tu déjà participé à quelque chose de semblable à cette exposition numérique ? Et qu’en as-tu pensé ? As-tu eu des retours ?

C’est une première. J’ai eu des retours plutôt positifs, comme pour l’expo de 2018 au Labo. Ça a l’air d’avoir assez plu. En période de confinement, il n’y avait pas la possibilité de se rendre sur des lieux d’expo, alors c’était intéressant de pouvoir malgré tout présenter son travail et ça permettait de faire vivre la culture, notamment la photographie. C’est tout l’intérêt de ces expositions numériques.

L’exposition sera terminée au moment de la parution mais tu as un site je crois ? As-tu mis en place d’autres dispositifs spéciaux pendant le confinement pour faire vivre ton travail, comme de la vente en ligne ?

Oui, j’ai un site internet : www.hervestruck.com. Je n’ai pas mis en place de vente en ligne. Pour être honnête, je suis assez mauvais vendeur. Et puis j’ai une activité professionnelle à côté, comme beaucoup de monde je ne vis pas de la photo car c’est difficile. Donc pendant le confinement j’ai aussi eu mon activité professionnelle, j’ai travaillé régulièrement. Il n’y a pas eu de nouveauté particulière sur mon site internet. Mais il faudrait que je m’y mette. Je ne suis pas très assidu là-dessus.

Comment penses-tu que le confinement et la pandémie impacteront la photographie à l’avenir ?

Je pense qu’il risque d’y avoir un recentrage sur tout ce qui est lié à notre cadre de vie, notamment la nature et les conséquences de l’activité humaine. Cette épidémie du Covid-19 n’est pas une surprise : à un moment ou un autre avec tous les échanges que nos sociétés génèrent, ça devait arriver. Et aujourd’hui on tombe un peu des nues. On se croyait un peu invincibles et puis maintenant on se dit que non et qu’un virus comme celui-là peut avoir un impact phénoménal sur nous tous. Il est probable que beaucoup de photographes travaillent sur ces sujets là.

Est-ce que tu as pensé à l’après, à de nouveaux projets ? Tu évoquais quelque chose en lien avec le confinement, as-tu d’autres choses qui se dessinent ?

Non pas vraiment. Je laisse le temps, je sais que ça viendra. Ce n’est pas quelque chose que je peux construire de but en blanc. Et il va falloir une grosse période d’observation parce que je vais regarder autour de moi, je vais regarder comment fonctionnent les gens, ce qui a changé. Et c’est à partir de là que les choses vont se mettre en place. Et à un moment donné, peut-être qu’il y aura le truc et là j’irai. Donc rendez-vous dans quelque temps ! Si, il y a une chose que je n’ai pas évoquée : avant le confinement je me suis offert une chambre photo parce que j’avais aussi envie de me remettre au négatif. Donc c’est possible que mes prochains projets se fassent à l’argentique, à la chambre.

Est-ce que tu as un message à faire passer ? Un mot pour conclure ?

Que la photo vive et surtout qu’on change le regard qu’il peut y avoir sur les photographes ! La photographie est un art qui a cette capacité de pouvoir parler de vérité et de rêves, de faire du beau avec des sujets difficiles. Il faut qu’il y ait une certaine reconnaissance pour tous ces photographes qui mettent de l’énergie à exprimer des choses. Malheureusement aujourd’hui la photographie est consommée plus qu’appréciée, ça me dérange. La photo, ce n’est pas quelque chose de gratuit non plus et ça serait bien de faire passer ce message : les photographes peinent à vivre de leur art, que c’est très difficile pour eux. Dans ces périodes compliquées, je pense que la culture a énormément d’importance. La photographie en fait partie intégrante et ça me parait important que nos sociétés en prennent conscience.

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