Ludovic Combe est le tout premier à avoir exposé au Labo, avec Christophe Darbelet en 2017. Il nous explique comment il a réappris à prendre son temps avec le confinement.
Propos recueillis par Mariette Barrier le 23 juin 2020.
Temps de lecture : 7 min.
Pour commencer, est-ce que vous pouvez vous présenter, ainsi que votre travail ?
Je suis photographe auteur depuis 2001. J’ai une activité de commande pour tout ce qui est entreprise et institutionnel, notamment dans le milieu de la gastronomie et de la culture. J’ai un travail de recherche personnelle qui est moins régulier mais j’essaie de sortir quelque chose au moins tous les deux ans. C’est une moyenne : il y a des années où j’ai sorti plusieurs projets et d’autres où je n’en ai pas sorti du tout.
Ce travail personnel, quel type de photographie est-ce ?
C’est variable. Je n’ai pas envie de m’imposer de choses dans ce domaine-là donc c’est vraiment suivant le ressenti. Généralement ce sont plutôt des travaux que je réfléchis en amont. Au départ ça tournait plus autour du portrait. Il y a encore souvent un fond de portrait dans ce que je fais. Mais aussi des travaux sans portrait, par exemple des séries en noir et blanc argentique plus spontanées. Mais je ne saurais pas définir mon travail exactement. Non, j’aime bien explorer différentes choses. Je ne me mets pas de limites, en tout cas je n’ai pas envie de m’imposer des choses. C’est-à-dire qu’après avoir creusé un peu, si je sens que ça ne fonctionne pas, je n’y vais pas.
Pendant cette période de confinement avez-vous fait de la photo ?
Assez peu. Je me suis un peu replongé dans mes archives, j’ai retrié certaines séries. Je pense par exemple à un reportage sur la tuerie du cochon que j’avais faite il y a deux ou trois ans et que je ne savais pas comment aborder dans la sélection. Et là, après l’avoir bien laissé de côté et en ayant une autre vision dessus, j’ai réussi à faire quelque chose de cette série, « On n’engraisse pas les cochons à l’eau claire ».
J’en ai profité aussi pour refaire mon site internet et mon Instagram, ce que je mets toujours un peu en dernier sur ma liste d’habitude. Et puis j’en ai profité pour réfléchir à d’autres choses, pour me reposer plus et prendre du recul sur ce que je voulais faire. Et finalement je trouve ça bien parce qu’avec la reprise, je retrouve une fraîcheur que j’avais un peu perdue au fil du temps parce que j’enchaînais les boulots. Donc cette coupure qui a été imposée m’a permis de retrouver cette fraîcheur. C’est ce dont j’avais envie : laisser un grand blanc pour attaquer sur de nouvelles choses. En tout cas, je ne me sentais pas de faire des photos.
Et alors depuis la reprise, vous avez recommencé à photographier ?
Oui, plutôt sur des commandes. Il y avait un projet qui devait sortir avant le confinement, c’est une exposition pour la Maison du Parc des Volcans d’Auvergne qui a pu sortir récemment. Et puis j’ai travaillé pour d’autres clients, en gastronomie notamment puisque les restaurants ont rouvert, comme Le Pré à Durtol qui a deux étoiles au guide Michelin. Lui aussi est toujours un peu dans la course, mais là on a pu prendre le temps de faire des choses qu’on ne pouvait pas faire d’habitude, de réfléchir à ce qu’on voulait faire comme images. Donc c’était assez intéressant. Et bien sûr, je suis sur des projets persos, il n’y a pas de prises de vues tout de suite, mais je construis ma réflexion.
Pouvez-vous nous donner des précisions sur cette exposition pour la Maison du Parc des Volcans d’Auvergne ?
C’est au siège du Parc des Volcans d’Auvergne, sur le site de Montlosier, sur la commune d’Aydat. L’exposition est sur les producteurs, sur les produits locaux, ça rejoint un peu mon travail en gastronomie. Je bosse dessus depuis l’an dernier, elle aurait dû être exposée aux mois de mars-avril. Mais finalement ça colle bien avec l’actualité parce que l’agriculture locale, c’est quelque chose qui s’est vraiment révélé pendant le confinement. A l’époque on l’a fait sans penser à tout ça et puis là, ça prend une résonance particulière. L’expo lie du portrait, des paysages. J’ai travaillé avec des diptyques ou des triptyques. C’est en ce moment et jusqu’au 30 septembre.
Est-ce que cette pandémie, le confinement et leurs conséquences, c’est quelque chose que vous pourriez avoir envie d’aborder dans de prochains travaux ?
Je ne sais pas. Il faut voir ce que ça va mettre en place. Peut-être qu’il y a des choses qui vont se croiser avec des sujets qui m’intéressent. Avant tout ça, j’avais une résidence dans un lycée à Cusset que je n’ai pas pu finir parce que tout a été arrêté. J’y travaillais sur ces choses-là justement, sur les huis-clos, sur comment chacun s’approprie des lieux en étant contraints à certains espaces. Donc peut-être que des choses vont changer par rapport à la réflexion que j’avais là-dessus. Parce que finalement, on a tous été contraints à ce moment-là. Et en même temps, bizarrement, je n’ai pas senti que ça correspondait à mon sujet. Mais peut-être que ça fera évoluer ce sujet sur lequel j’essaie de travailler depuis longtemps.
Et est-ce que vous avez suivi ce que d’autres photographes ont pu faire pendant cette période ?
Oui, surtout sur Instagram. J’y ai vu plein de photographes locaux, des jeunes, qui ne sont pas forcément professionnels, mais qui font des choses super intéressantes. Je me suis aussi replongé dans les photographes que j’aime bien. Je pense à un boulot qui m’a marqué, celui d’Antoine D’Agata qui d’habitude fait un travail plutôt en noir et blanc, plutôt sombre, et qui là a fait des photos comme avec une caméra thermique sur les patients à l’hôpital. Ça m’a marqué surtout parce que c’était complètement en décalage avec ce qu’on a pu voir et j’ai trouvé ça intéressant.
Est-ce que vous avez eu d’autres activités pendant le confinement ?
J’ai beaucoup bricolé. Je me suis dit que tant que j’étais contraint et que je ne pouvais pas faire autre chose, j’allais en profiter pour faire des travaux chez moi. Comme ça, quand je retrouverai ma liberté de mouvement, je serai content de ne pas avoir à faire ces travaux et de pouvoir faire ce que je veux, des photos par exemple. Et puis j’ai fait de la cuisine et deux trois bricoles comme des collages avec les enfants.
Est-ce que vous avez quelques projets en photographie pour les mois à venir ?
Non. Le confinement m’a redonné envie de prendre plus de temps sur mes travaux photo. Ce que je faisais davantage à un moment. Mais on est toujours amené à aller vite, les clients veulent les photos de plus en plus vite. Et je me dis qu’avoir du temps, c’est quand même très précieux. C’est vraiment ça qui est ressorti. Je n’ai pas envie de me jeter sur tout mais au contraire de me laisser du temps pour réfléchir encore plus aux travaux que je voulais faire et à ceux que j’ai fait. Je veux garder cette espèce de fraîcheur que j’ai retrouvée avec ce temps de pause. Je suis tout de même super content de refaire de la photo parce que ça m’a manqué. En plus tous les clients que j’ai en ce moment me demandent mon approche personnelle, autant le restaurant cité plus tôt que l’Orchestre d’Auvergne pour qui j’ai fait des portraits. Donc tout ça m’a manqué et ça me fait du bien de m’y reconsacrer. Mais je suis encore dans la réflexion. Il y a deux trois petites séries comme ça que j’ai ressorties et que je continue à travailler. Mais les gros boulots de fond, je n’ai pas envie de faire ça tout de suite.
Et sinon d’un point de vue professionnel, comment vous avez vécu cette période qui n’a pas été très facile ?
Ça a été un peu compliqué parce qu’on a eu beaucoup d’annonces contradictoires au départ. On est un secteur en tant qu’auteur où on n’est pas complétement reconnu. Finalement on a eu droit aux aides. Bon, il faut voir l’évolution, on ne sait pas vraiment ce que ça va donner. Mais oui, je pense qu’il y en a qui ont beaucoup plus souffert, des photographes dans l’événementiel et les mariages et puis ceux qui ne vivent que de ventes de tirages et d’expos. Moi j’ai la chance d’avoir deux activités et j’aurais du mal à les envisager l’une sans l’autre quoi. J’ai besoin des travaux de commande qui nourrissent mon travail perso et inversement. Franchement, sur ces deux secteurs j’ai réussi à m’en sortir mais je pense que ce n’est gagné pour personne. Il faut attendre de voir dans les mois et l’année qui viennent comment les choses peuvent reprendre. Je pense que la reprise sur l’année à venir sera plus difficile que le confinement : est-ce que les choses vont se remettre en place ? est-ce qu’on va avoir des lieux d’expo ?
Est-ce que vous avez mis en place des dispositifs particuliers pour faire vivre votre travail pendant ce confinement ? Comme certains ont fait par exemple de la vente en ligne ?
J’ai juste refait mon site et mon Instagram parce que ça devient assez indispensable comme moyen de communication et de diffusion dans nos métiers. Mais je n’ai pas fait de vente en ligne. C’est une chose que j’envisage peut-être pour plus tard.