Etienne Aillot est photographe amateur, participant à l’atelier photo du Centre Camille Claudel et à l’exposition collective de novembre au Labo (en 2018 et 2019). Il exerce le métier d’infirmier. Il nous parle de ce que ces derniers mois lui ont inspiré et de ses projets photo.
Propos recueillis par Mariette Barrier le 18 juin 2020.
Temps de lecture : 6 min.
Depuis quand fais-tu de la photo et quel(s) type(s) de photo fais-tu ?
Je fais de la photo depuis une dizaine d’années, de l’argentique depuis cinq ans. Ce que je faisais au début était plus axé sur le portrait, ensuite je me suis tourné vers la nature, j’aime bien les couleurs, enfin la lumière en tout cas. Je trouve tout ça intéressant. Je fais aussi des tests pour de la photo plasticienne avec l’atelier de William Pougheon proposé par la ville de Clermont-Ferrand. Donc ça a évolué, je ne sais pas si j’ai un style défini, je me cherche encore un peu.
Pendant la période qu’on vient de vivre, est-ce que tu as continué à faire de la photo et du labo ?
J’ai fait du labo mais pas beaucoup. Je l’ai rangé déjà ! Parce que c’est un tout petit labo que j’ai aménagé dans un placard. Donc j’ai mis un peu d’ordre là-dedans. Et je n’ai pas fait beaucoup de photo, parce que je bossais, je suis infirmier donc ça ne s’est pas trop arrêté, et puis comme on ne pouvait pas trop sortir, je profitais de mes seuls moments en extérieur pour me dépenser. Mais je suis quand même un peu frustré parce que je suis sûr qu’il y avait des super photos à faire, d’espaces vides par exemple. C’était quand même une période un peu bizarre. Le premier soir du confinement j’ai dû faire deux trois photos en couleur en partant voir ma grand-mère et il y avait une impression vraiment bizarre de vide. Donc je suis assez frustré de n’avoir pas pris plus de photos.
Dans ces quelques images penses-tu qu’on verra beaucoup le vide, l’atmosphère du confinement ?
C’est ce que j’ai essayé de faire ressortir en tout cas. Je n’ai pas encore développé la pellicule, donc pour l’instant je ne sais pas vraiment ce que ça va donner. Mais ce sont des choses faites à la va vite. On verra.
Et pour tes prochains travaux photo, est-ce que c’est un sujet que tu penses continuer à aborder ?
J’aime bien les photos de manifestations et il risque d’y en avoir pour essayer de défendre tout ça et de comprendre ce qu’il s’est passé. J’avais déjà eu l’idée de faire un petit reportage à l’hôpital sur les conditions de travail de nuit, parce que j’ai travaillé de nuit pendant quatre ans et demi. Ce serait intéressant de voir le système de soins de l’intérieur, car c’est parfois compliqué de travailler dans ces conditions, il y a beaucoup de fatigue et une ambiance particulière. Concernant le confinement, comme il est fini, c’est un peu difficile d’en parler pour moi : il y a plus de monde, plus de circulation donc c’est différent. Si, les gens portent des masques et c’est quand même bizarre de se dire que maintenant, tout le temps, il faut porter un masque dans la rue. Mais bon, c’est une évolution des choses.
Tu es donc infirmier, est-ce que tu peux nous dire comment tu as vécu toute cette période ?
Je suis en cancérologie, donc les choses n’ont pas vraiment changé parce qu’on devait continuer de faire les soins. Il n’y a pas eu de rupture, il n’y a pas eu de baisse d’activité ni vraiment de hausse, c’est resté constant. Il y avait plus de pression parce que les règles sont un peu compliquées à mettre en œuvre, et il y a aussi la pression de ne pas refiler le virus si jamais on l’avait. Donc un peu plus de responsabilité et un climat plus tendu.
Est-ce que tu as tout de même trouvé du temps pour te replonger dans tes archives ou travailler sur des projets de série ou d’expo ?
Pas vraiment. J’ai toujours un projet d’exposition sur un voyage en Argentine et au Chili mais je n’ai pas pu trop me replonger là-dedans. Je garde toujours ça en tête, ça se fera bien. Je pense que j’aimerais bien faire des tirages plutôt simples et y ajouter un peu de photo plasticienne, mixer les deux. Je n’étais pas du tout parti sur ça à la base, mais je me dis que ça pourrait être sympa de faire un truc qui change et de mettre à profit ce que j’ai appris en atelier et qui est intéressant. Et puis il y a un peu plus d’imagination, de création là-dedans et je pense que ça peut rendre quelque chose de plutôt bien.
Sinon, comme je t’ai dit, j’ai surtout profité de mon temps pour sortir faire du sport ou bien écouter de la musique. En plus il faisait beau, donc on s’est installé un coin devant une fenêtre au soleil pour faire des choses qu’on ne fait pas trop d’habitude comme lire. J’ai un peu de trié des photos numériques que j’avais faites au Hellfest l’année dernière, j’ai fait un peu de tests de photogrammes, à continuer d’explorer.
Est-ce que tu as un site ou un réseau social où on peut voir tes photos ?
Non. Déjà, toutes mes photos argentiques je ne les ai pas numérisées donc c’est compliqué de les mettre sur un support comme ça. Et puis j’ai mis quelques numériques sur Facebook mais très peu. On ne sait pas trop qui je suis et ce n’est pas plus mal comme ça. Je ne suis pas très à l’aise avec ce que je prends en photo de toute façon et je ne suis pas très à l’aise pour montrer ce que je fais.
Et est-ce que tu as suivi un peu ce que d’autres photographes ont pu faire pendant le confinement, est-ce que tu as vu des choses passer ?
J’ai lu quelques entretiens. Sinon, je suis tombé par hasard sur un gars qui prenait la mer en photo et j’ai été assez attiré par ça. Il mettait vraiment en exergue les vagues. Et il y a une sorte de technique où il prend beaucoup de photos et ça fait comme une vidéo, c’est très bizarre en fait. Mais c’était assez intéressant et vraiment beau. Sinon, je n’ai pas vraiment regardé
As-tu des projets ou des envies en photo pour les mois qui viennent ?
Il va falloir que je me concentre sur l’expo et que je me dégage du temps pour y travailler parce qu’elle me tient à cœur. Je ne l’avais pas mis trop en priorité pour l’instant peut-être parce que je n’en avais pas forcément envie tout de suite ou peut-être que c’est l’inconscient derrière mais en tout cas ce serait bien que j’arrive à faire ça. Et puis j’aimerais bien refaire de la photo parce que j’ai été vraiment frustré pendant le confinement de ne pas vivre les choses de l’intérieur. Depuis un appartement, on ne voit pas grand-chose de ce qui se passe dehors. Même si quand j’allais au boulot je le ressentais parce qu’il n’y avait personne, on avait l’impression d’être un quinze août tout le temps. Je suis un peu frustré de ne pas avoir pris plus de photos de cette période. J’aime bien les espaces vides et aussi l’architecture. Mais ce n’est pas évident non plus à prendre en photo. C’est du travail, comme tout.
Est-ce que tu penses que tout ça va avoir des conséquences sur la photographie en général ?
Tout ce qui est culture, on a bien l’impression que ça va être très difficile. J’ai quelques amis qui sont dans l’intermittence et je vois que c’est compliqué, les statuts sont compliqués. Ça l’était déjà avant le confinement, il y avait déjà beaucoup de restrictions sur la culture et donc je pense que ça risque de mettre encore plus en difficulté les gens qu’avant. Tout dépend de ce qui va se passer ces prochains mois et de ce que la politique a envie de faire de tout ça. Les gens se sont organisés, il y a quand même pas mal de choses qui ont été faites pour se débrouiller, avec internet pour faire voir son travail. Je pense aussi aux boutiques, comme l’Imaginarium à Clermont qui s’est organisé pour continuer à vivre. Alors les habitués qui ont besoin de leur matériel vont continuer d’aller acheter mais les personnes qui font de la photo en loisir peut-être qu’elles vont moins consommer. En tout cas j’ai vu qu’ils avaient mis une petite table pour vendre des choses. Enfin tout le monde s’adapte quoi. Mais je pense qu’il faudrait vraiment des aides du gouvernement, ce serait bien que ce soit un peu plus une priorité. J’espère qu’on va aller dans le bon sens, dans tous les domaines. C’est aussi à nous, citoyens, de prendre nos responsabilités, par exemple en se rapprocher au maximum des petits commerces, des producteurs et artisans locaux.